samedi 26 septembre 2009

HONDURAS - Une démocratie braquée

Le coup d’État survenu le 28 juin 2009. est révélateur à bien des égards d’une tension permanente au sein des démocraties latino-américaines.

Mais le moins que l’on puisse dire c’est que la situation en Amérique Latine et le sort des peuples indigènes ne sont pas les priorités ni le point focal des journaux occidentaux. Grand bien leur fasse, car la façon qu’ils ont de traiter ce genre de sujet en dit long sur leurs méthodes de manipulation de l’information et les desservirait plutôt. Y allant tantôt de leur semblant d’analyse en regardant par le petit bout de la lorgnette tantôt transformant à tel point la vérité que l’on nage en plein mensonge, on peine à croire que leurs lecteurs goûtent encore de cette soupe froide. Aux lecteurs la nausée, Aux médias les mains sales.

Ainsi pouvait-on lire dans le Libération du 28/06/09 :

« Il avait convoqué les électeurs ce dimanche pour ouvrir la voie à une révision de la constitution qui lui permettrait de briguer un deuxième mandat le 29 novembre »

Tout d’abord, il ne s’agissait pas d’un référendum mais d’une consultation populaire (conformément à l’article 2 de la constitution) [1] s’appuyant sur 400 000 signatures sans portée contraignante. Ensuite, elle proposait la possibilité d’ajouter une quatrième urne aux élections générales qui auront lieu le 29 novembre 2009, en toute logique M. Zelaya n’aurait donc pas pu se présenter aux prochaines élections. Il n’était pas ici question pour Manuel Zelaya de « briguer un second mandat » mais de prévoir un référendum pour qu’une nouvelle constitution permettant la mise en place des réformes sociales nécessaires.

Cette décision politique s’inscrit en droite ligne de ce qui a été fait en Bolivie, en Équateur, au Venezuela et connaît les mêmes revers, rappelons seulement le coup d’État de 2002 au Venezuela et la tentative de coup d’État en Bolivie en 2008. Au Honduras, tous les dispositifs institutionnels ont crié haro sur le président Zelaya, le Congrès s’est empressé d’ordonner la destitution du président et la Cour Suprême, ayant validé le coup d’État, a donné l’ordre de séquestration et d’expulsion.

Qu’est ce qu’un golpe militar ?

C’est quatre commandos d’environ 200 soldats qui forcent la porte d’un président démocratiquement élu et lui arrache toute légitimité, non pas seulement en le contraignant à l’exil, mais en le séquestrant, en le réduisant au silence.

Ces méthodes de choc bien connues de l’école de Chicago de Milton Friedman, à Negroponte en passant par les écoles de contre-guérilla instiguées par la CIA nous rappelle que le Honduras, fort de sa base militaire nord-américaine, fut un temps le bastion des contras pour « desti-tuer » le président Sandino au Nicaragua.

Mais un coup d’État n’est pas à considéré comme une fin, il est ourdi bien avant l’intervention des militaires, l’appui d’une partie de l’Église, du patronat et des médias nationaux ne vient pas a posteriori, il en est un des creusets. La fausse lettre de démission de Zelaya, lue devant le congrès pour démobiliser les populations et relayée sans vérifications par CNN, est une démonstration de la guerre psychologique qui se livre avant, pendant et après le coup d’État et qui vise tous les secteurs de la société.

Le président M. Zelaya a déçu sa formation politique (Parti libéral) car une fois élu en 2005, désœuvré par l’indifférence des États-Unis à son égard, il a perçu l’urgence d’impulser un nouvel élan à gauche et s’est inscrit en plein dans la renaissance du bolivarisme en se rapprochant des gauches radicales d’Amérique Latine pour sortir d’une situation économique effrayante (70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté). Le Honduras est entré dans la coopération économique en ressources pétrolières Pétrocaríbe, brisant ainsi deux siècles de monopole des multinationales et de l’oligarchie, il s’est ensuite allié à L’Alba (l’Alternative Bolivariennes des Amériques initié par H. Chávez et visant l’intégration latino-américaine), rompant ainsi avec la dépendance économique face aux États-Unis.

Dès lors, son courage a suscité de vives réactions dans l’opposition qui voyait d’un très mauvais œil une démocratie qui ne serait pas que formelle, une économie qui ébranlerait les racines de l’oligarchie et une politique sociale supposant une campagne d’alphabétisation, des droits d’accès aux soins et d’une réforme agraire.

Les médias ont tôt fait de classer le coup d’état du 28 juin dans la catégorie « faits divers », bien moins important que le crash d’un avion où le décès d’un chanteur, le considérant comme un événement sans raisons ni fin, basant toute analyse sur le fait dans sa ponctualité, dans sa fulgurance alors qu’un coup d’État est rien moins qu’un processus. Le coup d’État est bien encore là, il croît par cercles concentriques comme l’onde de choc d’un pavé dans la mare, il est partout où croupissent des prisonniers politiques, il est dans la répression sanglante de la lutte du peuple hondurien, des syndicalistes, des étudiants.

Nous devons saluer le courageux combat que mène en ce moment même le peuple du Honduras, le dimanche 5/07/09, des milliers d’hommes ont marché pendant 6 heures vers l’aéroport de Tegucigalpa pour manifester leur soutien au retour de Manual Zelaya mais en vain. Les militaires, sous commandement express de Micheletti [2] (désigné président provisoire) ont empêché l’avion dans lequel se trouvait Zelaya d’atterrir et ont réprimé violemment les manifestants.

Parmi les résistants, beaucoup appellent à une fédération des forces syndicales, des organisations ouvrières et paysannes du Honduras et des pays voisins pour une grève générale, seule capable d’enrayer l’installation de la dictature militaire. D’autres, comme le président Chávez, pense qu’il faut démobiliser les bases des force armées et les appeler à désobéir aux ordres, à pointer leurs armes non contre leurs frères mais contre l’oligarchie.

Ce qui est certain, c’est qu’une solidarité internationale est indispensable au rétablissement de la démocratie au Honduras pour que soit respectée la souveraineté du peuple, pour que cessent les ignominies perpétrés par le pouvoir en place. Ne rien relâcher de notre vigilance, informer sur l’évolution de la situation. Nous devons faire honneur au courage d’un peuple en lutte en prenant à revers, tant que nous le pourrons, les pouvoirs politiques européens qui ont, eux aussi, une drôle d’idée de la démocratie (cf. le mini-traité européen).

Il ne faut pas compter sur l’intervention états-unienne pour le retour de M. Zelaya au Honduras, tout simplement parce qu’après un siècle de domination économique (avec l’United Fruit Company) et après y avoir installé une solide oligarchie militaro-industrielle, le coup d’État, étrangement, ne vient qu’ institutionnaliser un état de fait et empêcher un virage à gauche nuisible aux intérêts économiques des États-Unis, la timidité dont B. Obama fait preuve pour condamner le coup d’État est regrettable sinon suspecte.

Mais en France comme ailleurs, ont lieu des rassemblements pour témoigner de leur solidarité avec le peuple et partant avec le président M. Zelaya, des associations, des formations politiques et des comités de soutien répondent « presente », comme ici le jeudi 02 juillet :




Il ne faut compter que sur la capacité des forces de gauche internationales pour faire le contrepoint à la fabrication d’une histoire officielle, sur la solidarité internationale pour empêcher la répétition de l’Histoire.

Cependant, Le coup d’État est à considérer comme plusieurs signaux d’alarme retentissant d’un seul coup car si Zelaya revenait, ce qui serait en soi une victoire d’un point de vue symbolique, le combat devrait continuer. La diffusion de l’information et les témoignages de solidarité aux peuples en lutte devraient se poursuivre et s’étendre pour que les démocraties formelles du Chili, du Pérou, d’Argentine et d’ailleurs retombent dans leurs propres plis, pour que ces nouveaux visages de l’oppression des peuples latino-américains tombent enfin les masques.