vendredi 7 novembre 2008

Bolivie... Alea jacta est, vraiment?

Nous connaissons l'importance du CPE bolivien cette constitution qui rend au peuple sa souveraineté, qui reconnaît les peuples indiens, traduit une redistribution des richesses notamment par la nationalisation des hydrocarbures et de l'eau...

La base du projet du nouveau texte constitutionnel stipule dans son premier article que "La Bolivie se constitue en un Etat unitaire Social de Droit Plurinational Communautaire, indépendant, souverain, démocratique, inter-culturel, décentralisé et respectant les autonomies. La Bolivie se fonde sur la pluralité et le pluralisme politique, économique, juridique, culturel et linguistique, au sein d'un processus intégrateur du pays." le ton est donné, nul doute qu'en Bolivie la rupture a non seulement toute sa raison d'être mais va également dans le bon sens...
Malgré le succès incontestables mais évidemment contestés et minimisés par l'opposition: la "Renta Dignidad", une forme d'aide financière pour les plus de 60 ans (le régime de retraite étant auparavant financés par deux entreprises privées), l'allocation familiale, la redistribution des terres aux paysans mais aussi la banque de développement pour les petits entrepreneurs. Encore reste-t-il à rappeller les obstacles que cet élan démocratique va rencontrer sur son chemin.

Les changements que prévoit la nouvelle constitution de Morales (CPE)sont beaucoup trop importants pour ne pas susciter des tensions, alors qu'elle a été votée en décembre 2007, après plus d'un an et demi de délibérations de l'Assemblée
Constituante, par 165 députés sur 255.

Tout portait à croire que le virage à gauche était enfin parvenue à une indéniable légitimité et les tenants du renouveau socialiste en Amérique Latine s'écriaient déjà Acta est fabula, cependant cette constitution fut considérée comme illégitime par l'extrême droite "golpiste" car elle a été transférée à Oruro, loin de la capitale, et pour cause, des membres du MAS avaient été lynchés par des étudiants fascistes.

En ce qui concerne la religion, il ne fait aucun doute que le CPE se pose comme la pierre de touche d'un Etat laïque et républicain, et symbolise, par la même, la mise à bas des héritages coloniaux.

Constitution de 1967:

Art.3 : "L'Etat reconnaît et soutient la religion catholique, apostolique et romane? Il garantie l'exercice publique de tout autre culte. Les relations avec l'Eglise Catholique seront régies par les concordats et accords entre l'Etat Bolivien et le Saint Siège."

Dans l'article 4 du CPE: "L'Etat respecte et garantie la liberté de religion et de croyances spirituelles, ainsi que la cosmovision indienne" et demeure en tout état de cause "indépendant de la religion".

Le bât blesse malgré tout car, sous la pression des gouvernements sociaux démocrates de l'UNASUR (Lula,Garcia...) et l'arbitrage éhonté de l'OEA, la tentative de coup d'Etat a réussi à embourber le processus de la révolution démocratique et à plonger la Bolivie dans un flou qui n'a rien d'artistique : la confusion politique. En effet, le début des négociations avec les préfets de la "demi-lune" signait la fin de le radicalisme du CPE initialement votée par la constituante, sauf si...

Les rectifications substantielles se sont portées sur ce qu'il y avait de plus gênant pour l'oligarchie capitaliste et l'extrême droite, notamment le fait que Morales ne pourra pas se représenter en 2014.

Mais parmi les 108 articles dont la droite réclamait la révision, il en est d'importance, celui-ci porte sur la réforme agraire (Art.398): celui-ci devait rendre aux indiens leur terre et limiter la superficie des propriétés afin d'en finir une fois pour toutes avec l'esclavage moderne qui sévissait jusqu'alors dans les "latifundios", mais l'opposition a réclamé que la limite ne soit fixée qu'à 10000 hectares, et elle a eu gain de cause... la superficie sera soumise à référendum et les boliviens auront à choisir entre une limite portée à 5000 ou 10000 hectares, sauf si...

Le vice-président, Garcia Linera ne formule aucune espèce d'intérêt pour le socialisme du XXIème siècle, et lui préfère de loin ce qu'il appelle le "capitalisme andin", c'est à dire que toujours selon ses mots « L’Etat sera le premier wagon de la locomotive de l’économie. Le second, ce seront les investissements privés boliviens ; le troisième, les investissements étrangers ; le quatrième, la micro entreprise ; le cinquième, l’économie paysanne et le sixième, l’économie indigène communautaire. Tel est l’ordre stratégique selon lequel l’économie du pays doit se structurer », soyons clair, nous sommes bien loin des "développementalistes" (desarollistas) des années 50', sauf si...!

Pour Lineras, il ne s'agit que d'une étape transitoire, adaptée à la réalité d'aujourd'hui, il souhaiterait faire voter une modernité économique en lien avec le marché global mais en reconnaissant les deux autres formes de modernité que sont les forces communautaires, artisanales, celles des petits producteurs ainsi qu'une autre manière de voir l'organisation du travail, autant d'alternatives longtemps ignorées autant que grippés par les mécanismes du capitalisme classique.

Il parle de développer le capitalisme, ce qui par les temps qui court relèverait de l'humour noir s'il ne précisait dans la foulée que ce capialisme andin et amazonien doit faire coexister un secteur moderne, globalisé, ouvert, avec le secteur familial afin d'asseoir durablement un marché interne, le problème étant que, selon ses dires, la Bolivie ne sortira pas du capitalisme avant 50 ou 60 ans, sauf si...


...Sauf si le socialisme du XXIème siècle et le capitalisme andin comprennent, dans leur processus même, une stratégie de désossement du néo-libéralisme, sauf si ces deux perspectives regardent ensemble à travers le prisme de l'Alternative bolivarienne.

Il reste à espérer que la stratégie politico-économique du MAS ne fasse pas la part belle à l'opposition de droite et d'extrême droite, qu'il avait pris toute la mesure de la capacité de l'opposition à resserrer les rangs et à semer la terreur parmi la classe paysanne et ouvrière, qu'il avait prévu que certains articles seraient soumis à négociations pour parvenir aux deux-tiers, qu'il avait, en fin politique, assimilé les leçons de l'histoire.

Il semble que les députés (de Pando, Tarija, Beni...) se réjouissent un peu trop vite, un peu trop fort, du résultat des négociations. Ne serait-ce pas pour semer, comme à leur habitude, la confusion parmi la gauche bolivienne et, faire croire, par ricochet, à la trahison du peuple par le MAS, espérant gagner sur les deux tableaux de l'économie et du politique?

si oui, il s'agit d'une grossière erreur de ce capitalisme dont l'amnésie est une des failles dans laquelle il faut s'engouffrer, en montrant les ressources inépuisables dont le peuple bolivien dispose et que l'opposition ne soupçonne pas, une force que le peuple bolivien tire de la mémoire des luttes passées, et de la prévisibilité des réactions de ses opposants !

Quelques articles d'importance:

Langues
La constitution reconnaît comme officielles les 36 langues des peuples indigènes, en plus du Castillan et établit que le Gouvernement central, tout comme les régions autonomes, devront faire usage d'au moins deux d'entre elles. Une seule condition requise, celle de manier une langue native pour accéder à une charge publique, cela fera partie dudit processus.

Symboles:
Inclue la Wiphala parmi les symboles nationaux et désigne la ville de Sucre comme capitale de la République.

Guerre:
Déclare la Bolivie comme Etat pacifiste qui rejette la guerre comme solution aux différends et conflits entre Etats et interdit l'installation de bases militaires étrangères sur le territoire national.

Droits:
Elargit l'éventail des droits fondamentaux et inclue des questions tel que le droit à la santé, au logement et "l'accès universel et égalitaire aux sercices de base d'eau potable, de tout à l'égout, d'eletricité, de gaz, de poste et de télécommunications". Elle précise que "l'accès à l'eau constitue un droit humain".

Grève:
Garantie le droit de grève " en tant qu'exercice de la capacité légale des travailleurs et travailleuses à cesser le travail pour la défense de leurs droits, en accord avec la loi".


Une chose est sûre, la lutte du peuple bolivien ne s'arrêtera pas au lendemain du referendum (25 janvier 2009) de la même façon que la révolution démocratique ne cesse pas au moment des élections car il s'agit bel et bien, dans un cas comme dans l'autre, d'un processus, d'un élan, d'un chemin que certains, dans le bourbier de leur médiocrité, tentent d'embroussaillertoujours un peu plus. Ce sabotage à grande échelle est allègrement relayé par ce que Michel Colon appelle "les médias-mensonges" qui nous informent sur leur crédibilité, davantage par ce qu'ils taisent que par ce qu'ils nous disent...



Sources
www.risal.collectifs.net , 12 juin 2006
La constitution bolivienne (lisible)
DIAL (Diffusion de l'Information sur l'Amérique Latine)
La Nación