une lutte sans merci, sans prétention aucune, contre toute forme de mise au pas, pour l'accomplissement de l'individu dans toute sa puissance et son humilité
jeudi 13 mai 2010
Réflexions sur le néo-libéralisme "L'encerclement"
Le titre du documentaire de Richard Brouillette " L'encerclement - Le néo-libéralisme dans les rets de la démocratie" pourrait faire penser qu'il traite de la fameuse théorie du complot, dernier faux argument que nous renvoient ceux qui n'en ont pas, sitôt que l'on prend du recul pour une vision générale de la politique économique. Il n'en est rien. Le sujet de ce documentaire est d'analyser les différents mécanismes de l'idéologie néo-libérale, les étapes successives de son instauration et les moyens employés pour sa subtile imprégnation dans « l'ennui gris et mou du cerveau » dont parlait L.F.Céline.
Le documentaire débute par les origines du néo-libéralisme, ses deux actes fondateurs que sont le colloque Walter Lippman (1938) et la fondation de la Société du Mont-Pélerin (1947) et finit sur l'idée d'un néo-colonialisme basée sur l'exemple éloquent de la guerre en Bosnie.
Pierre Bourdieu (1)voyait dans le système de pensée néo-libérale une « méthode de destruction méthodique du collectif », c'est-à-dire une pensée que l'on nous présente comme ahistorique, qui ne prend pas en compte les réalités socio-économiques et qui s'auto-justifie en permanence. De là vient la mythe du Marché-roi capable de s'auto-réguler, non pas simplement en se passant de l' État providence mais en détruisant la protection des États nationaux au profit des entreprises transnationales et des capitaux étrangers.
Pour ce faire, la logique néo-libérale s'attache l'adhésion des acteurs de la vie politique économique, les actionnaires, les acteurs financiers, les conservateurs ou sociaux-démocrates de ce début de XXIème siècle, désireux qu'ils sont de défendre leurs intérêts individuels et de participer à l'atomisation de l' État. Ce que Ignacio Ramonet(2) a nommé la pensée unique laisse voir en filigrane l'enrayement d'une pensée capable de la contrecarrer.
L'accroissement tentaculaire de cette « non-pensée », de l'idée du tous contre tous a permis par exemple à ses théoriciens tels que Milton Friedman de gangrener l'économie chilienne de S. Allende, de conduire à la faillite d'un État, de soumettre totalement un pays aux investissements étrangers et d'instaurer ce que l'un des participants, Michel Chossudovsky, nomme « le néo-colonialisme ».
Les canaux de diffusion du néo-libéralisme sont les grands médias internationaux appuyée par la Commission Creel (3) (fondée pendant la Première guerre mondiale aux Etats-Unis pour motiver le peuple américain majoritairement pacifiste à s'engager dans la guerre), la propagande directe de la publicité qui noient les esprits, mais il existe également des réseaux tentaculaires plus insidieux :
• Les think tanks désignaient en période de guerre l'endroit où se réunissait l'Etat-Major pour établir des stratégies de combat. Aujourd'hui,ce sont des « cellules de réflexion »où se réunissent des experts pour se pencher sur des questions concernant les politiques publiques. Naomi Klein dans son livre « La stratégie du choc » parle de ces réseaux comme l'instrument de ce qu'elle appelle le « capitalisme du désastre » et de leur intérêt dans les stratégies de guerre. En effet, Les think tanks sont de formidables réseaux d'endoctrinement comme le rappelle Noam Chomsky dans son livre « la fabrication du consentement »(4)
• Les politiques d' Éducation dont la priorité n'est plus l'enseignement et la transmission du savoir mais la rentabilité et la formation professionnelle au service des entreprises, cette logique économique dont la notion de compétence en lieu et place de savoir, la réforme des programmes d'histoire au collège, celle des lycée, la masterisation des filières d'enseignement en France ne sont que quelques uns des paliers de l'échafaudage. Omar Aktub évoque sans ambages l'idée qu'aujourd'hui l'Ecole sert à former des « serviteurs du système », employable et ajoute que Socrate, Victor Hugo ou Rimbaud n'auraient pas été « employable ». Normand baillargeon, lui, parle du système éducatif des Etats-Unis et du Canada où il existe des logiciels pédagogiques pré-fabriquées dont peuvent disposer les enseignants et les élèves... truffés de publicités.
•
Le documentaire tourné en noir et blanc n'est pas pour autant construit sur l'échiquier mental du manichéisme, nous contre eux, les bons contre les méchants. Il présente justement les voies par lesquelles le néo-libéralisme se sert de nos peurs, de nos indifférences, de notre sentiment d'impuissance et du cadre démocratique pour nous confondre tout à fait et nous aveugler dans sa mythologie. Le choix du réalisateur a été de donner la parole à des intellectuels, des penseurs de gauche ou de droite, sans recours aux images d'archives, ce qui rapproche le documentaire du débat d'idée indirect, propice à l'éveil de l'esprit critique.
La présence d'Ignacio Ramonet, de Noam Chomsky, de Normand Baillargeon, de Susan George etc... se voit mise en valeur par les billevesées et les inepties prononcées par des intervenants tel que M. Masse à qui la parole est donnée (Consultant en politiques publiques au Québec) avec sa notion de « libertarianisme » et sa désopilante métaphore de la rivière...
« L'encerclement » est un documentaire édifiant à bien des égards, notamment parce qu'il a une volonté didactique dans sa structure-même, les intervenants vont au bout de leurs idées, un choix de réalisation qui explique la durée (2h45) et la légitime, car on ne s'ennuie pas un instant malgré la densité intellectuelle, rien de pompeux, pas de fioritures. On sort de la projection avec la satisfaction de ne pas avoir été pris pour des idiots et cela fait du bien par les temps qui courent.
NB : Ce documentaire ne passe que dans quelques salles alors, courez-y!
Pour en savoir plus, visiter le site de "l'encerclement"
Notes :
1 http://www.monde-diplomatique.fr/1998/03/BOURDIEU/10167
2 Ancien directeur du monde diplomatique et l'un des fondateurs de l'association Mémoire des luttes
3 http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/normand/cours1.htm
4 « La prédominance des sources officielles[...]est contrôlée grâce à la cooptation des experts, c'est à dire en les rémunérant comme consultants, en finançant leurs recherches, en organisant des think tanks qui les emploieront et aideront à diffuser leur message »
Noam Chomsky, Edward Erman, De la fabrication du consentement - de la propagande médiatique en démocratie,, Ed. Agone, 2008
vendredi 16 avril 2010
Résister bordel, RESISTER!
Keny Arkana > Autre Monde Possible
envoyé par niconues. - Films courts et animations.
Keny Arkana > Autre Monde Possible
envoyé par niconues
Nous sentons bien que ce qui était prévisible point doucement au dessus de l'horizon, un soleil noir, spectral. Le mur se rapproche inéluctablement et l'on continue de s'étrangler à trop entendre les sempiternelles réponses des fatalistes, de ceux qui pensent qu'on ne peut rien contre cette forme de mondialisation parce qu'elle est, en substance, "la marche du monde"... Aussi intéressante que fut la démarche cioranesque pour comprendre les affres de l'héroisme négatif moderne, elles n'est pas soutenable car l'autodestruction, aujourd'hui n'est ni consciente ni pensée, Cocteau disait que le problème du XXème siècle c'est que "la bêtise pense", non elle ne pense pas elle mouline, s'engouffre et succombe.
Résister parce que sinon, qu'est-ce qu'on est au juste?
Des morts en sursis, prêts à la pourriture, à la décomposition mentale, un tas de viande où grouille la peur, l'impuissance...
Lorsque le FMI est capable de trouver des dizaines de milliards pour sauver les banques au moment où leur situation est critique et ne veut rien entendre au cri des peuples alors qu'il suffirait de 500 millions de dollars pour éviter que 1 milliard de personnes ne meurent de faim, on a comme un goût dégueulasse dans la bouche...
La grève générale se profile face aux injustices les plus notoires,contre cet ultra-libéralisme qui pour être individualiste est la négation même de l'individu.
Cette divinisation du fric dont parlait déjà F. Quevedo, aujourd'hui, tandis qu'elle réduit le tiers de l'humanité à l'état de "tube digestif" elle anéantie les deux tiers dans l'ignominie de la faim, rien d'étonnant alors à ce qu'à un moment ou à un autre les hommes se retrouvent enfin face à leurs semblables.
Prévert l'a bien dit: "Quelle connerie la guerre", qu'elle soit contingente, politique, militaire, financière ou tout cela à la fois, la seule réponse qu'elle mérite n'est pas l'opposition mais la résistance, la dénoncer ne suffit pas il faut s'organiser. Le seul acte capable de rendre à l'humain toute sa force et sa dignité.
Le texte programmatique de l'EZLN en 1997 a été publié dans le Monde Diplo en Août de cette année, il a aussi été envoyé aux journaux de tous les pays! Une petite analyse du Commandant Marcos qui perce à jour ce que d'aucuns considèrent encore comme une marche inexorable:
"Si la troisième guerre mondiale a vu l'affrontement du capitalisme et du socialisme sur divers terrains et avec des degrés d'intensité variables, la quatrième se livre entre grands centres financiers, sur des théâtres mondiaux et avec une formidable et constante intensité.
Grâce aux ordinateurs, les marchés financiers, depuis les salles de change et selon leur bon plaisir, imposent leurs lois et leurs préceptes à la planète. La " mondialisation " n'est rien de plus que l'extension totalitaire de leurs logiques à tous les aspects de la vie. Naguère maîtres de l'économie, les Etats-Unis sont désormais dirigés, télédirigés, par la dynamique même du pouvoir financier : le libre-échange commercial. Et cette logique a profité de la porosité provoquée par le développement des télécommunications pour s'approprier tous les aspects de l'activité du spectre social. Enfin une guerre mondiale totalement totale !
Quelques minutes suffisent pour que les entreprises et les Etats s'effondrent ; non pas à cause du souffle des révolutions prolétariennes, mais en raison de la violence des ouragans financiers.
Vers la fin de la guerre froide, le capitalisme a créé une horreur militaire : la bombe à neutrons, arme qui détruit la vie tout en respectant les bâtiments. Mais une nouvelle merveille a été découverte à l'occasion de la quatrième guerre mondiale : la bombe financière. A la différence de celles d'Hiroshima et de Nagasaki, cette nouvelle bombe non seulement détruit la polis (ici, la nation) et impose la mort, la terreur et la misère à ceux qui y habitent, mais elle transforme sa cible en simple pièce dans le puzzle de la mondialisation économique. Le résultat de l'explosion n'est pas un tas de ruines fumantes ou des milliers de corps inertes, mais un quartier qui s'ajoute à une mégalopole commerciale du nouvel hypermarché planétaire et une force de travail reprofilée pour le nouveau marché de l'emploi planétaire."
Un documentaire à voir de toute urgence: L'ENCERCLEMENT
A bon entendeur...
samedi 10 avril 2010
Chili - de la concertation à la consternation
CHILI - De la Concertation à la consternation
Le premier tour des élections au Chili montre s’il en était encore besoin, à quel point le pays traverse une période tumultueuse. Cette situation est née de la première alliance politique entre le Parti pour la Démocratie, une coalition de forces sociales libérales et démocrates chrétiennes qui a tenté de construire la transition démocratique post-pinochetiste.
Le Chili n’est évidemment pas sorti indemne de 30 ans de dictature mais pire encore, il s’est bâti sur les charbons ardents des crimes impunis pendant la dictature, du sentiment d’injustice du peuple chilien et sur une boue politique qui a dû composer avec un système pinochetiste trop bien ficelé. Les nœuds bureaucratiques et institutionnels avec, au premier chef, la Constitution votée sous Pinochet en 1980, mais aussi la continuité de la politique néolibérale avaient fait jusqu’à présent marquer le pas au progressisme de gauche au Chili. Aujourd’hui ils laissent craindre une régression politique et sociale d’envergure pour l’ensemble du peuple chilien par le retour au pouvoir d’une droite dure dont le leader est déjà surnommé le « Berlusconi chilien ».
Le second tour des élections présidentielles du 17/01/2010 marquera le peuple chilien qui, lui, a une très bonne mémoire. Donné vainqueur à 51,6, Sebastian Pinera, le candidat d’une droite néolibérale, a mené à bon port la « Coalition pour le changement » dont il était le chef de file. Le parcours de Sebastián Piñera est pour le moins atypique, le brillant homme d’affaire a fait fortune à la fin des années 70 sous la dictature de Pinochet, possédant une bonne partie de la chaîne de télévision « Chilevisión », un club de football et une compagnie aérienne (Lanchile) dont les actions auraient augmenté de 36% ces dernières semaines. Ses actifs s’élèveraient à près de 848 millions d’euros.
De plus, Il s’est bien gardé jusqu’en 1988 de s’exprimer clairement sur la nature de ses agissements pendant la dictature et pour cause, car même si cette année-là il a voté « non » à la pérennité au pouvoir de Pinochet, en 1995, il s’est prononcé en faveur de l’amnistie pour les crimes de la dictature se disant, par ailleurs, devenu un « humaniste chrétien » [1].
Le Chili baignait dans une « Concertación » depuis 20 ans qui a pavé la voie à la restauration d’une droite dure conservatrice, non seulement en ne faisant pas voter une nouvelle Constitution pour mettre à bas la constitution pinochetiste de 1980, mais aussi en ne tenant pas ses engagements sur des sujets aussi importants que le changement de modèle économique impliquant le retour de l’État. En effet, depuis le début des années 1990, le Chili s’est concentré sur l’accord de libre échange avec les États-Unis, assurant la néo-dépendance de l’économie chilienne à l’égard des entreprises multinationales.
En fait, l’échec d’Eduardo Frei avec 48,7% des voix est bien plus celle d’un conglomérat politique sans projet défini, ne parvenant pas à dissimuler derrière ses discours cent fois entendus, son lourd passif et son incapacité à la rupture avec la politique antérieure :
La domination politique, économique et militaire des États-Unis.
La mainmise des grandes multinationales sur les agences de presse et autres moyens de communication.
La criminalisation systématique des mouvements sociaux et populaires, syndicaux et étudiants.
Le comportement de la coalition laissait présager cet échec, en se débattant ainsi parmi les trahisons, le désordre politique, elle a fait preuve d’une lâcheté politique sans pareille sans compter son indifférence à l’égard du peuple Mapuche. Tout cela a galvaudé le sens et la portée de l’idée socialiste, aux yeux des classes moyennes chiliennes, au nom d’un pseudo « système de bien-être », stigmatisant l’idée d’une lutte des classes au profit d’une entente cordiale entre celles-ci. Ce capitalisme qui ne dit pas son nom a gangrené tout changement économique et sociale en faveur du peuple qui, aujourd’hui, n’a plus accès ni au travail, ni à l’éducation, ni à la santé ni au logement.
Selon les forces de la gauche progressiste au Chili, il faut aujourd’hui un front unitaire lavé de toute ambiguïté quant à son opposition au système néolibéral, basé sur des force politiques et sociales, des mouvements populaires et progressistes et visant une Assemblée Constituante. L’ex candidat, chef de file du parti « Juntos Podemos », Jorge Arrate, considère cette élection comme « la dernière erreur de la coalition », « Il y eut un processus de détérioration progressive au sein même de la Concertation », a-t-il ajouté au lendemain de l’élection dans un communiqué [2].
Tandis que selon le président Piñera : « aujourd’hui est un grand jour pour le Chili. Aujourd’hui une grand et claire majorité d’hommes et de femmes libres ont opté pour le changement, l’avenir et l’espérance », s’est-il exprimé devant l’hôtel Crown Plaza sur l’Alameda. Une majorité ? Environ 8 millions de votants sur une population de plus de 16 millions pour être plus exact. Puis il a fini son discours en remerciant « Dieu de nous avoir donné un pays aussi beau » ainsi que (ça ne s’invente pas)... la Concertation.
Il ne fallut pas plus de deux jours au nouveau président chilien pour montrer de quoi sera faite la politique chilienne durant son mandat. En effet, le 19 janvier, les grands patrons chiliens sont sortis satisfaits des propos tenus par S. Piñera, celui-ci laissait présager la possibilité d’une révision du salaire minimum pour les 18-21 ans ainsi qu’ une baisse des indemnités chômage [3].
Ce qui pourrait fort bien ressembler à l’ironie du sort est ressenti par le peuple chilien comme une véritable tragédie grotesque dont le « patron-président » serait le héros picaresque, triomphant dans sa médiocrité, appelant celui qu’il considère comme son modèle, le « très démocrate » A. Uribe, à l’aider dans sa tâche, une fois de plus dans la bienveillance générale des grands médias internationaux et la colère d’un peuple déjà rompu au combat et toujours debout.
Notes
[1] http://www.rebelion.org/noticia.php....
[2] http://www.cronica.cl/noticias/site....
[3] http://www.rebelioncorp.org/cl/view....
Le premier tour des élections au Chili montre s’il en était encore besoin, à quel point le pays traverse une période tumultueuse. Cette situation est née de la première alliance politique entre le Parti pour la Démocratie, une coalition de forces sociales libérales et démocrates chrétiennes qui a tenté de construire la transition démocratique post-pinochetiste.
Le Chili n’est évidemment pas sorti indemne de 30 ans de dictature mais pire encore, il s’est bâti sur les charbons ardents des crimes impunis pendant la dictature, du sentiment d’injustice du peuple chilien et sur une boue politique qui a dû composer avec un système pinochetiste trop bien ficelé. Les nœuds bureaucratiques et institutionnels avec, au premier chef, la Constitution votée sous Pinochet en 1980, mais aussi la continuité de la politique néolibérale avaient fait jusqu’à présent marquer le pas au progressisme de gauche au Chili. Aujourd’hui ils laissent craindre une régression politique et sociale d’envergure pour l’ensemble du peuple chilien par le retour au pouvoir d’une droite dure dont le leader est déjà surnommé le « Berlusconi chilien ».
Le second tour des élections présidentielles du 17/01/2010 marquera le peuple chilien qui, lui, a une très bonne mémoire. Donné vainqueur à 51,6, Sebastian Pinera, le candidat d’une droite néolibérale, a mené à bon port la « Coalition pour le changement » dont il était le chef de file. Le parcours de Sebastián Piñera est pour le moins atypique, le brillant homme d’affaire a fait fortune à la fin des années 70 sous la dictature de Pinochet, possédant une bonne partie de la chaîne de télévision « Chilevisión », un club de football et une compagnie aérienne (Lanchile) dont les actions auraient augmenté de 36% ces dernières semaines. Ses actifs s’élèveraient à près de 848 millions d’euros.
De plus, Il s’est bien gardé jusqu’en 1988 de s’exprimer clairement sur la nature de ses agissements pendant la dictature et pour cause, car même si cette année-là il a voté « non » à la pérennité au pouvoir de Pinochet, en 1995, il s’est prononcé en faveur de l’amnistie pour les crimes de la dictature se disant, par ailleurs, devenu un « humaniste chrétien » [1].
Le Chili baignait dans une « Concertación » depuis 20 ans qui a pavé la voie à la restauration d’une droite dure conservatrice, non seulement en ne faisant pas voter une nouvelle Constitution pour mettre à bas la constitution pinochetiste de 1980, mais aussi en ne tenant pas ses engagements sur des sujets aussi importants que le changement de modèle économique impliquant le retour de l’État. En effet, depuis le début des années 1990, le Chili s’est concentré sur l’accord de libre échange avec les États-Unis, assurant la néo-dépendance de l’économie chilienne à l’égard des entreprises multinationales.
En fait, l’échec d’Eduardo Frei avec 48,7% des voix est bien plus celle d’un conglomérat politique sans projet défini, ne parvenant pas à dissimuler derrière ses discours cent fois entendus, son lourd passif et son incapacité à la rupture avec la politique antérieure :
La domination politique, économique et militaire des États-Unis.
La mainmise des grandes multinationales sur les agences de presse et autres moyens de communication.
La criminalisation systématique des mouvements sociaux et populaires, syndicaux et étudiants.
Le comportement de la coalition laissait présager cet échec, en se débattant ainsi parmi les trahisons, le désordre politique, elle a fait preuve d’une lâcheté politique sans pareille sans compter son indifférence à l’égard du peuple Mapuche. Tout cela a galvaudé le sens et la portée de l’idée socialiste, aux yeux des classes moyennes chiliennes, au nom d’un pseudo « système de bien-être », stigmatisant l’idée d’une lutte des classes au profit d’une entente cordiale entre celles-ci. Ce capitalisme qui ne dit pas son nom a gangrené tout changement économique et sociale en faveur du peuple qui, aujourd’hui, n’a plus accès ni au travail, ni à l’éducation, ni à la santé ni au logement.
Selon les forces de la gauche progressiste au Chili, il faut aujourd’hui un front unitaire lavé de toute ambiguïté quant à son opposition au système néolibéral, basé sur des force politiques et sociales, des mouvements populaires et progressistes et visant une Assemblée Constituante. L’ex candidat, chef de file du parti « Juntos Podemos », Jorge Arrate, considère cette élection comme « la dernière erreur de la coalition », « Il y eut un processus de détérioration progressive au sein même de la Concertation », a-t-il ajouté au lendemain de l’élection dans un communiqué [2].
Tandis que selon le président Piñera : « aujourd’hui est un grand jour pour le Chili. Aujourd’hui une grand et claire majorité d’hommes et de femmes libres ont opté pour le changement, l’avenir et l’espérance », s’est-il exprimé devant l’hôtel Crown Plaza sur l’Alameda. Une majorité ? Environ 8 millions de votants sur une population de plus de 16 millions pour être plus exact. Puis il a fini son discours en remerciant « Dieu de nous avoir donné un pays aussi beau » ainsi que (ça ne s’invente pas)... la Concertation.
Il ne fallut pas plus de deux jours au nouveau président chilien pour montrer de quoi sera faite la politique chilienne durant son mandat. En effet, le 19 janvier, les grands patrons chiliens sont sortis satisfaits des propos tenus par S. Piñera, celui-ci laissait présager la possibilité d’une révision du salaire minimum pour les 18-21 ans ainsi qu’ une baisse des indemnités chômage [3].
Ce qui pourrait fort bien ressembler à l’ironie du sort est ressenti par le peuple chilien comme une véritable tragédie grotesque dont le « patron-président » serait le héros picaresque, triomphant dans sa médiocrité, appelant celui qu’il considère comme son modèle, le « très démocrate » A. Uribe, à l’aider dans sa tâche, une fois de plus dans la bienveillance générale des grands médias internationaux et la colère d’un peuple déjà rompu au combat et toujours debout.
Notes
[1] http://www.rebelion.org/noticia.php....
[2] http://www.cronica.cl/noticias/site....
[3] http://www.rebelioncorp.org/cl/view....
Equateur - quand un peuple affronte en justice un géant pétrolier
A deus semaines du contre-sommet de Cochabamba (Bolivie)...
Après l’annonce en 2009 par le président de l’Équateur, Rafael Correa, de la possibilité, à certaines conditions, de cesser la production de pétrole dans le pays « pour le bien de l’humanité », un autre pas, judiciaire celui-ci, va sans doute être franchi.
L’Équateur est sur le point de connaître un moment sans précédent dans le combat écologique par l’imminence d’un verdict qui fera date. Les multinationale états-unienne Texaco et Chevron Corporation sont, en effet, conduites depuis 2003 devant les tribunaux par les organisations et populations indigènes de l’Amazonie équatoriale, pour avoir déversé des millions de tonnes de déchets toxiques dans la forêt Amazonienne entre 1964 et 1990 [1].
Texaco a opéré sur un territoire de 1.500.000 Ha où vivaient plusieurs communautés indigènes. Ces populations souffrent aujourd’hui d’un taux anormalement élevé de cancer, ont vu apparaître des malformations chez les nouveau-nés, ils ont donc été contraints de quitter leurs terre et d’abandonner leurs foyers traditionnels. La catastrophe engendrée par l’exploitation et la production de pétrole par Texaco jusqu’en 1992 est déjà surnommée le « Tchernobyl amazonien » par bon nombre d’ONG. Elle est accusée d’avoir utilisé des procédés expressément interdits par la législation en vigueur au Texas depuis 1919 et en Louisiane depuis 1953 considérant l’Équateur du Président de l’époque, Ramón Castro Jirón, comme une zone de non droit. Mais la multinationale a aussi violé la Loi équatorienne sur les hydrocarbures de 1971 qui prévoyait « l’adoption de toutes les mesures nécessaires pour la protection de la faune, de la flore et d’autres ressources naturelles et pour éviter la pollution de l’eau, de l’air et des sols ».
Pendant tout cette période, la transnationale a décidé que, pour optimiser ses bénéfices, elle n’utiliserait pas les techniques environnementales standards de l’époque qui consistaient à réinjecter dans les sous-sols les eaux de formation et les déchets toxiques qui remontent inévitablement lors du processus de perforation. En fait, Texaco a déversé l’eau de formation qui contient des produits chimiques toxiques et cancérigènes à la surface.
Ce comportement a parsemé la forêt de centaines de mares toxiques, sans aucun filtres ni système d’imperméabilisation, a pollué les rivières de plomb et autres métaux lourds sans se préoccuper des populations autochtones. La quantité totale de pétrole rejetée dans les eaux fluviales autant par négligence qu’inconscience est estimée à 64 millions de litres [2].
Depuis la fusion puis le rachat par l’entreprise pétrolière Chevron, Texaco est devenue une des entreprises privées les plus puissantes du monde, la deuxième après Exxon Mobil dont l’influence sur le gouvernement états-unien s’est faite par l’entremise de l’ancienne conseillère à la sécurité nationale, Condoleezza Rice, qui avait fait partie du comité directeur de l’entreprise.
C’est en mai 2003, 10 ans après la première plainte déposée contre Texaco, que l’entreprise Chevron [3] a dû se soumettre à la justice équatorienne, à Lago Agrío, et en répondre à plus de 80 communautés touchés par cette catastrophe qui n’a rien de naturelle dont 30.000 victimes. Depuis lors, les parties civiles demandent la réparation de la zone affectée qui s’élèveraient selon des experts internationaux à plus de 6 milliards de dollars. Le géant pétrolier réplique qu’il a déjà procédé entre 1996 et 1998 à la réhabilitation de cette zone, ce qui a été démenti par des prélèvements effectués par la suite.
Les conséquences de ses agissements sont de plus en plus connues et les manœuvres dilatoires des accusés rendent leur défense grotesque. Le pouvoir, l’influence et la richesse de Texaco et de Chevron n’ont pas suffit à redorer leur blason, de fait, les impacts sur l’environnement et les témoignages de paysans et indigènes sont diffusés depuis quelques années sur des chaînes de télévision nationale et internationale, dans les médias alternatifs mais aussi officiels [4].
Voyant poindre la défaite à l’horizon, le géant pétrolier Chevron a lancé une ultime campagne de lobbying agressif pour faire échouer la procédure judiciaire et, accessoirement, pour éviter de payer les 27000 millions de dollars d’indemnisation. Le Président Rafael Correa a formellement dénoncé cette manœuvre :
« La multinationale Chevron, en désespoir de cause, a tenté récemment d’annuler le procès en diffusant des vidéos où l’on voit des représentants du gouvernement demander des pot-de-vin » [5].
La multinationale dénonce, elle, un complot entre le juge chargé de l’affaire, Juan Nuñez, des représentants du gouvernement et des membres du parti Alianza País. Ces accusations sont monnaie courante en Amérique latine. Faute d’argument, la calomnie est le dernier recours des coupables et le nouveau PDG de Chevron semble vouloir reprendre le flambeau de ce déni de justice. Il répond par la fuite devant ses responsabilités dans cette catastrophe écologique et humaine.
Si la justice équatorienne venait à condamner Chevron, ce serait la preuve qu’une entreprise transnationale peut être conduite devant les tribunaux d’un autre pays que celui où elle réside, et l’Équateur deviendrait le premier pays d’Amérique latine à forcer une compagnie transnationale à comparaître devant ses tribunaux [6].
S’il est indéniable que la Constitution de l’Équateur est l’une des plus écologistes au monde, elle défend plus généralement le droit à la vie et les droits du peuple à disposer de lui-même. Ce qui se joue dans ce procès est fondamental car c’est bien de la souveraineté populaire qu’il s’agit et la condamnation de Chevron Corporation pourrait bien en signer une victoire. La peur qui tenait les populations touchées par cette pollution semble avoir enfin changé de camp.
Notes
[1] À l’origine de cette mobilisation se trouvent des Organisations de défense des droits environnementaux et humains, entre autres Amazon Watch, Rainforest, Action Network.
[2] http://www.ecologiablog.com/post/12....
[3] La multinationale Chevron Corporation a racheté Texaco en 2001.
[4] http://chevrontoxico.com/.
[5] http://www.hoy.com.ec/noticias-ecua....
[6] http://www.texacotoxico.org/.
Après l’annonce en 2009 par le président de l’Équateur, Rafael Correa, de la possibilité, à certaines conditions, de cesser la production de pétrole dans le pays « pour le bien de l’humanité », un autre pas, judiciaire celui-ci, va sans doute être franchi.
L’Équateur est sur le point de connaître un moment sans précédent dans le combat écologique par l’imminence d’un verdict qui fera date. Les multinationale états-unienne Texaco et Chevron Corporation sont, en effet, conduites depuis 2003 devant les tribunaux par les organisations et populations indigènes de l’Amazonie équatoriale, pour avoir déversé des millions de tonnes de déchets toxiques dans la forêt Amazonienne entre 1964 et 1990 [1].
Texaco a opéré sur un territoire de 1.500.000 Ha où vivaient plusieurs communautés indigènes. Ces populations souffrent aujourd’hui d’un taux anormalement élevé de cancer, ont vu apparaître des malformations chez les nouveau-nés, ils ont donc été contraints de quitter leurs terre et d’abandonner leurs foyers traditionnels. La catastrophe engendrée par l’exploitation et la production de pétrole par Texaco jusqu’en 1992 est déjà surnommée le « Tchernobyl amazonien » par bon nombre d’ONG. Elle est accusée d’avoir utilisé des procédés expressément interdits par la législation en vigueur au Texas depuis 1919 et en Louisiane depuis 1953 considérant l’Équateur du Président de l’époque, Ramón Castro Jirón, comme une zone de non droit. Mais la multinationale a aussi violé la Loi équatorienne sur les hydrocarbures de 1971 qui prévoyait « l’adoption de toutes les mesures nécessaires pour la protection de la faune, de la flore et d’autres ressources naturelles et pour éviter la pollution de l’eau, de l’air et des sols ».
Pendant tout cette période, la transnationale a décidé que, pour optimiser ses bénéfices, elle n’utiliserait pas les techniques environnementales standards de l’époque qui consistaient à réinjecter dans les sous-sols les eaux de formation et les déchets toxiques qui remontent inévitablement lors du processus de perforation. En fait, Texaco a déversé l’eau de formation qui contient des produits chimiques toxiques et cancérigènes à la surface.
Ce comportement a parsemé la forêt de centaines de mares toxiques, sans aucun filtres ni système d’imperméabilisation, a pollué les rivières de plomb et autres métaux lourds sans se préoccuper des populations autochtones. La quantité totale de pétrole rejetée dans les eaux fluviales autant par négligence qu’inconscience est estimée à 64 millions de litres [2].
Depuis la fusion puis le rachat par l’entreprise pétrolière Chevron, Texaco est devenue une des entreprises privées les plus puissantes du monde, la deuxième après Exxon Mobil dont l’influence sur le gouvernement états-unien s’est faite par l’entremise de l’ancienne conseillère à la sécurité nationale, Condoleezza Rice, qui avait fait partie du comité directeur de l’entreprise.
C’est en mai 2003, 10 ans après la première plainte déposée contre Texaco, que l’entreprise Chevron [3] a dû se soumettre à la justice équatorienne, à Lago Agrío, et en répondre à plus de 80 communautés touchés par cette catastrophe qui n’a rien de naturelle dont 30.000 victimes. Depuis lors, les parties civiles demandent la réparation de la zone affectée qui s’élèveraient selon des experts internationaux à plus de 6 milliards de dollars. Le géant pétrolier réplique qu’il a déjà procédé entre 1996 et 1998 à la réhabilitation de cette zone, ce qui a été démenti par des prélèvements effectués par la suite.
Les conséquences de ses agissements sont de plus en plus connues et les manœuvres dilatoires des accusés rendent leur défense grotesque. Le pouvoir, l’influence et la richesse de Texaco et de Chevron n’ont pas suffit à redorer leur blason, de fait, les impacts sur l’environnement et les témoignages de paysans et indigènes sont diffusés depuis quelques années sur des chaînes de télévision nationale et internationale, dans les médias alternatifs mais aussi officiels [4].
Voyant poindre la défaite à l’horizon, le géant pétrolier Chevron a lancé une ultime campagne de lobbying agressif pour faire échouer la procédure judiciaire et, accessoirement, pour éviter de payer les 27000 millions de dollars d’indemnisation. Le Président Rafael Correa a formellement dénoncé cette manœuvre :
« La multinationale Chevron, en désespoir de cause, a tenté récemment d’annuler le procès en diffusant des vidéos où l’on voit des représentants du gouvernement demander des pot-de-vin » [5].
La multinationale dénonce, elle, un complot entre le juge chargé de l’affaire, Juan Nuñez, des représentants du gouvernement et des membres du parti Alianza País. Ces accusations sont monnaie courante en Amérique latine. Faute d’argument, la calomnie est le dernier recours des coupables et le nouveau PDG de Chevron semble vouloir reprendre le flambeau de ce déni de justice. Il répond par la fuite devant ses responsabilités dans cette catastrophe écologique et humaine.
Si la justice équatorienne venait à condamner Chevron, ce serait la preuve qu’une entreprise transnationale peut être conduite devant les tribunaux d’un autre pays que celui où elle réside, et l’Équateur deviendrait le premier pays d’Amérique latine à forcer une compagnie transnationale à comparaître devant ses tribunaux [6].
S’il est indéniable que la Constitution de l’Équateur est l’une des plus écologistes au monde, elle défend plus généralement le droit à la vie et les droits du peuple à disposer de lui-même. Ce qui se joue dans ce procès est fondamental car c’est bien de la souveraineté populaire qu’il s’agit et la condamnation de Chevron Corporation pourrait bien en signer une victoire. La peur qui tenait les populations touchées par cette pollution semble avoir enfin changé de camp.
Notes
[1] À l’origine de cette mobilisation se trouvent des Organisations de défense des droits environnementaux et humains, entre autres Amazon Watch, Rainforest, Action Network.
[2] http://www.ecologiablog.com/post/12....
[3] La multinationale Chevron Corporation a racheté Texaco en 2001.
[4] http://chevrontoxico.com/.
[5] http://www.hoy.com.ec/noticias-ecua....
[6] http://www.texacotoxico.org/.
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