une lutte sans merci, sans prétention aucune, contre toute forme de mise au pas, pour l'accomplissement de l'individu dans toute sa puissance et son humilité
lundi 17 mars 2008
Un esclave de la littérature
Une main grasse se referma sur cette canne d'ivoire sous la pression du monde, à l'heure où sa gloire triompha, ses yeux se refermèrent et la plume s'envola.
Une corde bien nouée qui, en de rares occasions, se faisait un peu plus lâche et laissait ce large cou reprendre son assise. Dans une triste mansarde du Paris bourgeois, une oeuvre de Rembrandt a surgi de la toile et a projeté une ombre sur sa réalité comme on fait la lumière sur une vérité.
Cet homme gros et petit, le visage bouffi, ne prêtait dans sa jeunesse aucune attention à son apparence, il souffrait de ce physique ingrat depuis que sa mère le lui avait fait remarqué. Il s'isolait chaque jour davantage dans cet abandon de lui-même, il avait la conscience enfermée dans l'univers des mots, ces traîtres signes qui ne lui permettait pourtant pas d'exprimer une douleur trop souvent enfouie dans son tréfonds.
L'école des Pères avaient eut raison de sa bonhomie d'enfant rondouillard et sans malice, ses professeur n'avaient vu en lui qu'un enfant attardé à l'esprit obtus, rétif, paresseux et perdu dans ses rêves. Ils n'avaient pas percé à jour son secret, et pourtant... L'homme qui revint auprès de ses parents était un homme sec, les traits tirés de l'homme sévère avec une telle force dans les yeux que toute volonté aurait succombé, cet homme n'avait pas encore compris le sens de sa vie mais son fléau, il n'avait pas encore entrevu le sens du monde qu'il en avait découvert la condamnation: la gloire et le pouvoir.
Il se mit à écrire ce qu'il appelait lui-même de la "littérature marchande" et devint esclave d'une passion, il tomba, comme tant d'autres avant lui, dans l'enfer dantesque des commandes fait par des éditeurs. Il voulut faire partie du monde des grands hommes et travailla pour se donner une allure aristocratique mais son embonpoint rendit cet acharnement pathétique, sa réputation le précédait dans tous les Clubs parisiens, jusque dans le boudoir de Madame Récamier.
Lorsqu'il prit conscience des railleries, il décida de surenchérir et de faire sensation, il fit courir les plus vives rumeurs concernant sa canne ( dans la pomme incrustée d'émeraudes se trouverait l'image d'une dame de haute lignée dans son plus simple appareil, il voulait que sa gloire fût à la hauteur de son travail littéraire...démesuré, titanesque, un fou à lier, un être entièrement dévoué à l'oeuvre de sa vie, ne dormant presque plus et se détruisant la santé à grands coups de café, d'amours éconduits.
Une femme, Mme de Hanska rejetée dans un au-delà mythique, avec qui il entretint une correspondance (assez riche en information sur le bonhomme) symbolisait son aspiration aux plus hautes sphères de la société et finit par déchirer sa vie comme une "peau de chagrin"...
Il finit par jeter sur le monde un oeil aiguisé, et voulut en dresser un portrait comme pour se l'accaparer tout à fait, il consacra vingt ans de sa vie à observer les affres de la "comédie humaine" et en fit une des oeuvres les plus monumentales de l'histoire de la littérature...
Cet asservissement, ces dettes perpétuelles qui, tantôt lui faisaient connaître le faste d'une vie de grand écrivain, tantôt le plongeait dans une misère morale et une clandestinité dostoievskienne, firent de lui une victime de sa passion, cette négation de la liberté sociale que l'on peut retrouver dans nombre de ses personnages a paradoxalement conduit au triomphe de l'homme, à la puissance de la volonté dans sa propre destruction, cet homme mourut à 51 ans fourbu par tant d'efforts alors qu'il venait de jouer son dernier rôle auprès de son graal personnel, Mme de Hanska...
Sous le regard d'un certain Victor Hugo, d'un certain Alexandre Dumas et d'un certain sainte Beuve, un gros bonhomme que Saturne n'avait pas épargné venait de mourir en 1850, il s'appelait Honoré Balzac...pardon... Honoré de Balzac.
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2 commentaires:
Merci pour ce beau texte... Balzac (dont pourtant j'ai lu peu de romans) ma passionne, m'impressionne, l'ambition de son oeuvre, cet "asservissement" dont tu parles, cette folie même...
Ce genre-là d'homme (peu répandu) ravale au rang de nabots un bon paquet d'écrivaillons.
je te remercie de me remercier, si tu ne l'as pas encore lu...je te conseille "A la recherche de l'absolu"ou "le chef-d'oeuvre inconnu", une oeuvre qui se place entre le fantastique et la science fiction...on peut y voir (comme, à mon humble avis, dans l'ensemble de la "comédie humaine") les talents de portraitiste de Balzac et même d'"autoportraitistes"...
A bientôt!
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